TRIBUNE 
PAR ALEXANDRE ZAPOLSKY (Linagora)
"Nous, SS2L, partageons les mêmes objectifs"
Le PDG de Linagora répond à Emmanuel Raviart, interrogé par JDN Développeurs la semaine dernière. Enjeu : le modèle économique des sociétés de services spécialisées en logiciels libres.  (17/10/2005)
 
PDG de la SS2L Linagora
 
   Le site
L'interview d'Emmanuel
Raviart

Linagora
J'ai lu avec beaucoup d'attention l'interview de notre confrère Emmanuel Raviart. Elle pose un certain nombre de questions et comporte certaines maladresses. Il convient donc d'y répondre et d'apporter un certain nombre d'informations qui, je l'espère, éclairciront le débat.

Emmanuel Raviart tente de faire une différence entre ceux qui feraient du "vrai" Libre et ceux qui feraient du "faux" Libre. En particulier, il met en cause les SS2L. Or, lui-même, ou plutôt sa société, se définit comme Société de Services en Logiciels Libres, comme il est indiqué à la première ligne de la première page de son site Web.

Il nous explique que sa société "jouerait le jeu" du Libre et que bien d'autres SS2L ne le feraient pas. Je pensais que nous en avions fini avec de tels arguments.

Emmanuel Raviart sait bien, puisqu'il est associé à Linagora (ainsi que trois autres sociétés et un laboratoire public) dans une demande conjointe de financement d'un projet de R&D auprès du Ministère de l'Industrie, que nous travaillons par exemple sur le projet InterLDAP.

 
"La contribution dans le code d'un projet Libre n'est pas la seule forme de contribution"
 

Ce projet de gestion des identités est d'ailleurs complémentaire de la solution Lasso. Sur ce point d'ailleurs, Emmanuel Raviart aurait pu rappeler que nous avons collaboré avec sa société sur le projet Lasso et que nous en faisons régulièrement la promotion chez nos clients.

En effet, la contribution dans le code d'un projet Libre n'est pas la seule forme de contribution. Toutes les SS2L, organisations et individus qui font en sorte que le Libre se développe sont des contributeurs.

Il n'est pas sage de mettre en place une hiérarchie entre ceux qui, soi disant, en feraient plus et les autres. Je suis simplement heureux de voir l'engagement de tous à défendre notre cause. Chacun à ses manières et chacun avec ses discours. C'est très bien ainsi.

A mon avis, s'il fallait juste distinguer un danger qui mérite d'avertir les lecteurs du Journal Du Net, ce serait celui qui consiste à faire en sorte d'être en situation de monopole derrière un produit donné. Qu'il soit Libre, Open Source ou bien sûr propriétaire !

Pour l'anecdote et à ce propos, je pense que notre ami Emmanuel Raviart s'emporte un peu devant le succès (réel) de sa solution quand il affirme : "notre cas est particulier, nous avons un quasi monopole sur la solution que nous développons, Lasso ".

Le connaissant bien, je pense qu'il ne souhaitait pas s'exprimer ainsi. Ne lui en tenons pas rigueur, il s'agit manifestement d'une maladresse. Comme je peux en témoigner au travers de notre participation, Lasso est bien une solution Libre et ouverte… à toutes les sociétés qui souhaiteraient y contribuer.
Par ailleurs, il met en cause plusieurs sociétés historiques du monde du Logiciel Libre et doute de la capacité de ces acteurs à continuer leur développement.

Il affirme qu'il ne croit pas au modèle qui consiste à lever des capitaux en lieu et place de développer des projets avec des clients. Je suis en partie d'accord avec lui. Nous avons en effet pris exactement le parti inverse. Le point fâcheux provient donc du fait qui laisse entendre que c'est ce que nous aurions fait avec Linagora. Pour rappel, Linagora qui publie tous ses bilans et ses comptes de résultats (ce qui permettra à chacun de vérifier), a toujours été rentable, hormis l'année de sa création.

Nous avons donc le même modèle de développement que la société d'Emmanuel Raviart. Nous nous sommes juste développé un peu plus rapidement. Ainsi, la principale différence semble provenir de la taille respective de nos sociétés et de nos capacités différentes à intervenir pour nos clients.

 
"Je ne crois pas et je ne souhaite pas que le Libre ne soit réservé qu'aux petits projets"
 

Si Emmanuel Raviart préfère être un artisan du Libre, c'est son choix. Nous le respectons, comme nous respectons tous ceux qui se réclament de cet "artisanat". A une époque nous étions nous aussi des artisans du libre.

Le marché du Libre a besoin d'acteurs très spécialisés autour d'une ou deux technologies qui sont et qui resteront, souvent par choix, des artisans du Libre. Mais le marché du Libre a aussi besoin de sociétés plus importantes maîtrisant plus de technologies et capables de réaliser de grands chantiers.

Je ne crois pas et je ne souhaite pas que le Libre ne soit réservé qu'aux petits projets. Il n'y donc pas d'opposition réelle entre les acteurs. Il existe une complémentarité.

Ne nous leurrons pas ! Le discours des plus petits qui attaquent les plus gros existe quels que soient les marchés. Je pense néanmoins que nous avons plus à gagner ensemble ! Nos concurrents ne se situent pas dans le Libre. Avec une part de marché inférieur à 5% du marché global de l'informatique, le marché du Libre a tout à gagner à répondre aux enjeux des clients nouveaux. Il convient alors de rassurer et non pas de faire peur avec des "attaques" fratricides.

En conclusion et pour me résumer, arrêtons de nous opposer en permanence. Nous partageons les mêmes objectifs. Le marché du Libre est voué à se développer et tous les acteurs qui y contribuent ont leur place. Il est toujours intéressant d'ouvrir des débats. Mais faisons attention que ces débats ne soient pas qu'un prétexte pour faire parler de soi… en utilisant des méthodes peu loyales.

Je suis pour que la société d'Emmanuel Raviart se développe. Je suis également favorable à ce que les 350 SS2L françaises se développent. La réussite ne doit pas se faire sur le dos des autres.

Cette volonté de réussir ensemble et de se battre ensemble pour que le marché se développe, en s'engageant à suivre des règles de déontologie, est au cœur de l'Association des Sociétés de Services en Logiciels Libres. A ce jour une trentaine de sociétés partagent cette ambition que l'on réussit mieux ensemble. J'invite ici publiquement Emmanuel Raviart et sa société à nous rejoindre et à nous faire partager sa vision… celle d'un Artisan du Libre.

Alexandre Zapolsky
 
 

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