INTERVIEWS 
 
Marc G. Fournier
Président
PostgreSQL Inc.
Marc G. Fournier (PostgreSQL)
"PostgreSQL dépasse MySQL depuis plusieurs années maintenant"
Focus sur la nouvelle version du SGBD Open Source, ses différences avec MySQL et sa relation avec les outils propriétaires avec l'un des principaux mainteneurs du projet PostgreSQL
28/02/2005
 
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PostgreSQL
Hub.org
Le 19 janvier 2005, votre équipe a annoncé la sortie de la version 8.0 de PostgreSQL. Quelles sont les principales nouveautés ?
Le plus gros changement de la 8.0.0 tient dans sa capacité à fonctionner nativement sur plate-forme Windows, mais ce n'est en aucun l'unique amélioration. D'un point de vue entreprise, je tiens à dire que le travail effectué par Simon Riggs sur le PITR [NDLR : Point in time Recovery, reconstruction de bases de données à un instant donné] doit être parmi les plus importantes fonctionnalités ajoutées.

Qu'est-ce qui a motivé le portage vers la plate-forme Windows ?
Selon moi, la plus grosse motivation vient de la part de marché occupée par les serveurs Windows, qui est plus importante que celle de nos ports Unix. Cygwin fournit une méthode bouche-trou pour faire tourner PgSQL [NDLR : abbréviation courante de PostgreSQL] sur Windows, mais c'était essentiellement un système d'émulation non reconnu par Microsoft, ce qui impliquait beaucoup de problèmes avec la mémoire, notamment là où la mémoire partagée était utilisée.

Quelles ont été les difficultés rencontrées ?
Pour ce qui est des difficultés rencontrées pour réaliser ce portage, je ne peux pas vraiment répondre, car je n'ai pas travaillé dessus, mais selon ce que j'ai lu sur nos messageries, le plus gros problème fut l'utilisation du 'process forking' de Windows.

Vous êtes l'un des principaux coordinateurs du projet. Quelle est votre implication au quotidien ?
Difficile à dire. Pour commencer, il n'y a pas un coordinateur principal, mais 5 membres d'une équipe, qui discute les dates butoirs entre eux, à partir de l'avis des membres de la communauté qui ont lancé des projets que nous souhaitons voir intégrés dans telle version.

Comment gère-t-on une équipe de 200 développeurs répartis partout dans le monde ?
La plupart du temps, le code source n'est modifié que par un très petit nombre de développeurs qui en ont les droits. Toute contribution passe par un processus de vérification publique.

Comment un développeur tiers peut-il prendre par dans votre projet Open Source ?
Un "développeur tiers" n'a qu'à faire partie du processus dont je viens de parler pour faire partie du projet. Comme pour tout projet, on ne lui demande que prouver ses capacités et ses connaissances. En gros, il n'y a jamais de petite contribution, tant que le développeur peut justifier et défendre ses propositions. Dans le cas où un patch reçu n'est pas immédiatement acceptable pour les gestionnaires du code, nous tentons de donner suffisamment de retours pour que le patch puisse être corrigé et inclut.

Quels sont les outils et méthodes utilisés pour concevoir PgSQL ?
Je ne sais pas vraiment comment répondre... CVS, gmake, autoconf et bison sont les quelques outils-clefs que nous utilisons.

Des chiffres Evans Data, à propos du déploiement des SGBD Open Source, plaçaient PostgreSQL en troisième place, derrière son grand concurrent MySQL, et Firebird en surprenant second. Comment analysez-vous ce résultat ?
J'ai tendance à prendre les sondages avec des pincettes, étant donné qu'ils sont basés sur un nombre donné de réponses, ou sur la société qui a payé le sondage.

Pour ce qui est de MySQL/Firebird... Jusqu'à notre version 8.0, les deux avaient l'avantage d'offrir une version Windows native, ce qui leur fournissait une large part de marché.

Dans le cas de MySQL, bien que cela change à l'heure actuelle, MySQL a tendance à être proposé par les hébergeurs à leurs clients, tandis qu'il faut chercher pour trouver un hébergeur offrant PostgreSQL. Cela a aussi aidé MySQL à disposer d'un large marché.

Je ne vois pas le marché propriétaire mourir complètement"
Pensez-vous que le marché des SGBD propriétaires pourrait s'effondrer dans les années à venir, en faveur des produits ouverts ?
Je pense que nous voyons déjà les retombées du mouvement Open Source, mais je ne vois pas le marché propriétaire mourir complètement, principalement parce que les éditeurs de ces solutions s'adaptent, comme on peut le voir avec le nombre de fusion de sociétés SGBD plus application depuis quelques années. Les éditeurs de SGBD propriétaires créent en fait leur propre marché au travers de leur intégration à des produits propriétaires.

Il existe de nombreux projets de SGBD Open Source. Pensez-vous que certains devront disparaître par manque d'intérêt ?
Je pense que cela s'applique à tous les projets logiciels, Open Source ou propriétaires. La survie du plus fort est un concept très répandu dans le monde des logiciels. Le manque d'intérêt de n'importe quelle offre peut aussi bien être due à du mauvais marketing, qu'imputable à un autre projet disposant d'un meilleur logiciel.

Pervasive, déjà créateur de sa propre base de données, a présenté en janvier Pervasive Postgres, sa propre distribution de PostgreSQL. En quoi cela va-t-il influer le développement du projet PostgreSQL lui-même ?
En ce qui concerne le développement, rien du tout. Pervasive est l'une des nombreuses entités commerciales soutenant et distribuant PostgreSQL, tout comme le font SRA et Command Prompt. Aucune de ces dernières entités, présentes dans la communauté depuis bien plus longtemps, n'affecte le développement du projet. Elles ont été accueillies comme membres précieux de notre communauté, tant pour leurs contributions au code source que pour leur aide dans la promotion de PostgreSQL lui-même.

L'une de vos FAQ indique que MySQL est populaire grâce à sa facilité d'utilisation, tandis que PgSQL vise la richesse de fonctionnalités et la conformité aux standards. Comment voyez-vous la popularité de MySQL face à celle de PostgreSQL ?
Je dirige l'un des premiers hébergeurs à offrir PostgreSQL, Hub.org, et je trouve personnellement PgSQL plus simple à gérer que MySQL, mais c'est bien sûr une question d'habitude. J'utilise et soutien PgSQL depuis bien plus longtemps que je n'ai installé MySQL.

À mon humble avis, la popularité de MySQL tient de la perception, encore en cours, qu'elle est plus rapide que PostgreSQL. En 1995, c'était certainement le cas, et comme l'indiquent nos FAQ, MySQL est toujours plus rapide pour les scénarios simples, comme envoyer du contenu dynamique à un site Web. Mais dès que vous commencez à entrer dans les accès concurrents à la base, ou des exigences plus complexes, PostgreSQL dépasse MySQL depuis plusieurs années maintenant.

"Le bon outil pour le bon projet" s'applique particulièrement au stockage de données. Il y a de nombreux cas où un simple fichier reste la meilleure méthode...

Que peut-on attendre de PgSQL dans les mois et années à venir ?
Nos développeurs continuer de focaliser sur les questions de performances et de stabilité, tout comme l'amélioration de notre conformité SQL, et les fonctionnalités au niveau Entreprise. Par exemple, le 2 Phase Commit sur lequel nous travaillons en ce moment.

Nous avons toujours été fiers de la stabilité de chacune de nos versions, mais comme pour tous les outils, quel que soit le nombre de tests effectués avant la sortie, il y aura toujours quelqu'un pour trouver un cas extrême.

Le projet PostgreSQL en bref
PostgreSQL a débuté en tant que projet Open Source en 1995, quand Bruce Momjian, Thomas Lockhard, Vadim Mikheev et Marc G. Fournier ont décidé de travailler avec Jolly Chen et Andrew Yu de l'université de Berkeley pour reprendre en main son développement. À l'époque, l'outil s'appelait Postgre95, et résultait du projet d'étude de Chen et Yu, projet qui consistait à migrer l'outil Postgres (successeur de la base Ingres) du langage de requête Postquel vers SQL.

 
Propos recueillis par Xavier Borderie, JDN Développeurs

PARCOURS
 
 
Marc G. Fournier est président de PostgreSQL Inc, co-mainteneur du projet PostgreSQL et gère l'hébergeur hub.org, tout en assurant au quotidien l'administration du réseau de l'université d'Acadie, en Nouvelle Ecosse.

1993 Fonde Internex Online, premier fournisseur d'accès à Internet grand public au Canada

1996 Vente de Internex Online à Ican, et fondation de Hub.org.

Et aussi Marc Fournier a participé à de nombreux projets Open Source, dont FreeBSD, InterNet News, WU-FTPd, OpenSSH...