INTERVIEWS 
 
Vincent Massol
Directeur technique
Pivolis
Vincent Massol (Pivolis)
"Je consacre trois heures par jour en moyenne à l'Open Source dans mon temps libre"
Directeur technique de Pivolis et membre actif de la communauté Open Source Java, Vincent Massol témoigne de sa passion pour la beauté du code.
13/09/2005
 
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Dans quels projets Open Source êtes-vous impliqué ?
Chaque projet dont je suis membre m'apporte d'une manière ou d'une autre un plus par rapport à mes activités professionnelles.
Cactus, pour commencer, est un framework de test Java. J'en réimplementais souvent chez des clients, aussi une solution Open Source permettrait de réutiliser le travail effectué et le partager avec d'autres pour l'améliorer encore.
Maven ensuite, que j'ai rejoint peu après son lancement, vers 2002, est un outil de build automatisé Java, qui compte globalement 10 committers [NDLR : développeurs autorisés à retoucher directement le code]. Là encore, j'utilisais auparavant Ant, qui devenait compliqué à maintenir. Mon but est de faire évoluer Maven dans l'entreprise.
Enfin, parmi les autres projets auxquels je participe, je peux citer Cargo, une API uniforme de démarrage et configuration de serveurs J2EE, et xWiki.

Où trouvez-vous le temps pour ces projets non rémunérateurs ?

C'est une question de priorités : je ne regarde pas la télévision, je me couche rarement tôt. J'ai également une vie de famille, mais je consacre trois heures par jour en moyenne à l'Open Source dans mon temps libre.
Et au sein de Pivolis, l'entreprise que j'ai co-fondée, je dispose d'une petite composante dédiée à l'Open Source : environ une demie-journée par semaine est consacrée à des projets libres. Mon travail en bénéficie donc c'est un juste retour des choses.
Par ailleurs l'Open Source apporte beaucoup : j'ai écrit deux livres, je donne des conférences de temps à autre, j'ai développé par ce biais un réseau de contacts dans le monde entier, ce qui m'offre une visibilité sur le marché du travail de manière globale - visibilité d'ailleurs plus forte dans les pays anglo-saxons qu'en France. Le réseau en France est quant à lui entretenu par l'OSSGTP, une réunion mensuelle de développeurs Open Source, à Paris, que j'ai demarrée.

L'Open Source se professionnalise-t-il ?
Oui, des sociétés se montent dont le business model se base sur l'Open Source : le volet commercial étant souvent réalisé via Internet, cela permet à des personnes assez techniques de vendre directement leur produit ou leur support. Et depuis 4 ans que je participe à des projets Open Source, j'ai pu constater par exemple que la sphère Apache était très "pro" : les projets sont très "entreprise" avec les contraintes associées de qualité et de robustesse.

L'Open Source est une forme d'humanisme"
Que représente pour vous le mouvement Open Source ?
Tout d'abord, c'est une façon de se défouler : les développeurs y sont libres de coder ce qu'ils veulent, ils ne sont plus limités par des contraintes de temps ou de qualité, et peuvent se soucier de la beauté du design. Ils échappent ainsi aux frustrations professionnelles, où un projet peut être écourté pour raison économique. De manière plus personnelle, je pense être sur Terre pour aider mon prochain. Certains se lancent dans des actions humanitaires, moi je souhaite offrir des outils pour travailler mieux. C'est une forme d'humanisme...
Enfin, depuis que je me suis lancé dans l'Open Source, mon implication a grandi, ma renommée aussi, donc ce qui est un hobby est en passe de devenir un métier.

Avez-vous rencontré des difficultés pour pénétrer le milieu Open Source, ou un projet particulier ?
Non, car je décide moi-même du temps que je souhaite allouer à un projet, et donc mon niveau d'implication. Accèder au statut de committer s'est toujours fait de façon naturelle. Si on travaille bien, on est vite reconnu et accepté.
Par contre, en tant que lead de projet, il est plus délicat de sélectionner les membres de son équipe. Certains aspects sont simples à évaluer : nombre de patchs fournis par la personne, niveau des travaux réalisés, compréhension du projet. Il est plus dur de connaître le niveau d'implication dans la durée. J'ai eu des collaborateurs qui ont disparu après avoir fourni des éléments-clefs d'un projet, éléments qu'il a fallu ensuite enlever faute de pouvoir les comprendre.
Nous disposons également d'un système de build automatisé, qui reconnaît certaines règles de qualité de code que nous avons établi. Cela permet de lisser le source en enlevant les habitudes personnelles, et en cas de patch ne respectant pas nos règles, le build casse.

Comment sont distribuées les tâches au sein d'un projet ?
Nous utilisons la notion d'itération, via l'outil de gestion de projet Jira. Il contient tout ce que la prochaine version devra être, découpé en tâches. Quand certains aspects ont besoin d'être travaillés, nous incitons les développeurs via la mailing-list.
Pour Maven, je suis quasiment en permanence en discussion avec les autres développeurs et les utilisateurs via IRC. Les discussions sont ensuite filtrées et regroupées pour que tout le monde puisse y avoir accès, enfin théoriquement...

Que répondez-vous à ceux qui estiment que l'Open Source dévalorise l'ingénierie informatique ?
Qu'ils ont tort : la machine est lancée, et on peut soit l'embrasser et en tirer quelque chose de positif, soit...
Cela me fait penser à l'offshoring : on peut dire "cela détruit les emplois en France" et ainsi ériger des barrières et des taxes, mais il vaudrait mieux accepter l'état de fait et chercher à passer au niveau supérieur. Le développement à l'étranger est moins cher, donc on peut investir dans le personnel, les nouveaux services, etc.
L'Open Source, lui, augmente le niveau. Voyez les serveurs d'applications : en quelques années, des solutions comme JBoss ou Geronimo ont obligé les solutions commerciales à réviser leurs manières de travailler.

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Le modèle des communautés Open Source peut-il se généraliser ?
Je vois un monde où chacun dispose d'envies et de connaissances, et soit placé dans un vaste marché international fluide. Chacun pourrait faire appel à un individu de manière ponctuelle, sans créer de société, juste des alliances momentanées selon les besoins. C'est très utopique, mais pourquoi pas ?
 
Propos recueillis par

PARCOURS
 
 
Vincent Massol, directeur technique, Pivolis

2003 Co-créé Pivolis, société specialisée dans le développement offshore collaboratif

1998 Responsable Angleterre chez Octo Technologies

Et aussi créateur du framework de test Jakarta Cactus, auteur de deux livres techniques (l'un sur Maven, l'autre sur JUnit)