INTERVIEW 
 
Eric van der Vlist
Fondateur
Dyomedea
Eric van der Vlist (Dyomedea)
"On trouvera toujours, dans chaque domaine vertical, une alternative à XML plus efficace"
XHTML 2.0 face à HTML 5, W3C comparé à l'ISO, concurrence de XML Schema et DSDL : le spécialiste francophone du XML débroussaille les débats d'actualité du langage de balisage structurel.
05/09/2006
 
JDN Développeurs. Pourriez-vous tout d'abord nous donner les détails de vos activités actuelles ?
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Eric van der Vlist. Je suis consultant et formateur indépendant. Ce que je fais reste très axé autour de XML, mais je m'intéresse également à ses applications, en particulier à l'usage de XML sur le Web, et ce qu'on appelle aujourd'hui le Web 2.0.

XHTML 2.0 ne fait toujours pas l'unanimité auprès des développeurs, qui ont répondu avec la spécification HTML 5. Vous-même, quelle spécification soutenez-vous ?
C'est difficile à dire. Techniquement, je soutiens surtout XHTML 2.0 et le W3C. HTML 5 à l'avantage d'être beaucoup plus compatible, là où XHTML 2.0 fait peau neuve. De fait, les créateurs de HTML 5 reprochent à ceux de XHTML 2.0 d'abandonner certains éléments très utilisés.

Mais la question je pense tient surtout à la comparaison des organisations. HTML 5 a été présenté lors de la conférence XTech 2005, avec comme principe pour l'ajout d'élément à la spécification l'évidence qu'un besoin complémentaire se fait sentir. Si c'est le cas, la procédure avec HTML 5 est de convaincre que cet élément est suffisamment générique pour justifier cet ajout - ce qui était proche de la politique pour XHTML 1.0.

De son côté, XHTML 2.0 cherche à changer ce mode : on introduit des attributs nouveaux, notamment role, qui permettent d'éviter d'avoir à ajouter de nouveaux éléments à la spécification, et qui rendent les utilisateurs plus autonomes, leur laissant le choix de mettre en place la syntaxe nécessaire.

Ces modes sont assez différents, assez proches de ce que veulent mettre en place les microformats d'ailleurs. Ces derniers utilisent des classes, ce qui n'est pas forcément idéal vu qu'elles ont été mises en place pour les CSS. De fait, un des reproches fondés de XHTML 2.0 à l'heure actuelle, est qu'il faudrait modifier également la spécification CSS, qui ne permet pas de gérer les valeurs de l'attribut role lorsqu'elles font appel à des espaces de noms XML, comme c'est pourtant prévu par XHTML 2.0.

Le W3C devra obligatoirement sortir de sa tour d'ivoire pour ne pas perdre son influence"
La complexité de XHTML 2.0, notamment sa grande modularisation, n'est-elle pas un frein tant à son développement qu'à son acceptation par les navigateurs et développeurs ?
Peut-être, mais cette modularisation est devenue obligatoire à cause de la complexité de XHTML 2.0, donc l'un ne va pas sans l'autre. Je ne pense pas que celle-ci sera un problème pour les implémenteurs de navigateurs, sauf évidemment XForms qui représente véritablement la partie la plus complexe. Autrement, la liste des éléments entre XHTML 1.0 et XHTML 2.0 reste assez proche. Ici encore, il s'agit plus d'un problème d'organisation, et surtout de communication de la part du W3C, plutôt qu'un problème technique. Le W3C s'est pas mal coupé des utilisateurs et des implémenteurs ces dernières années...

Pensez-vous qu'une évolution du W3C est nécessaire pour lui permettre de rester en accord avec la communauté des développeurs ?
C'est a priori obligatoire. S'il s'enferme dans une tour d'ivoire, le W3C risque de perdre de son influence. Il doit renouer avec les utilisateurs, et surtout les implémenteurs. Le WHAT WG est en une réponse active, mais il est dommage d'avoir une telle dualité, d'autant plus que cela les affaiblit tous les deux. Microsoft s'est un petit peu retiré, mais les dissensions ont fait perdre du poids au W3C. Que les W3C et WHAT WG se rapprochent serait de toute évidence une bonne chose, comme le montre le passage en document de travail de spécification WHAT WG WebForms 2.0.

Comment êtes-vous entré au sein du groupe de travail ISO DSDL (Document Schema Definition Languages), et en quoi consiste votre travail au sein de ce projet ?
J'ai commencé à m'intéresser à DSDL par le biais de l'étude des langages XML, notamment lors de l'écriture de mon livre sur XML Schema en 2001, qui m'a permis de m'y plonger et d'y noter quelques défauts. J'ai alors cherché des alternatives et ai découvert les propositions de James Clark, TREX, et de Makoto Murata, RELAX. Les deux ont été réunies au sein de Relax NG, formant un outil plus simple et élégant que XML Schema.

A côté de cela, je suivais les travaux de Rick Jelliffe sur Schematron, dont le travail a commencé à se formaliser auprès de l'ISO fin 2001. Voyant que l'ISO était relativement ouvert, j'ai joint le comité créé par le biais de l'un des ses groupes de liaison, ou associations, en l'occurrence le SGML User Group, dont les membres ont le droit de participer aux développements internes. L'autre association du groupe DSDL est l'OASIS.

Le côté rigide de l'ISO et conviviale du W3C dépend en fait du groupe de travail"
DSDL se différencie de XML Schema en cela qu'il cherche à segmenter les problèmes de validation des documents XML en plusieurs parties. Là où Schema est une spécification massive, DSDL est une norme à plusieurs parties (ndlr : "multipart"). En effet, la validation d'un document XML est très compliquée. Elle peut impliquer des choses très différentes : imbrication éléments/attributs, structure, contraintes sur les types de données, mise en place de règles, ou même l'orthographe utilisée.

Avec Schema, le W3C essaye de mettre le maximum de choses dans une spécification, ce qui la rend extrêmement complexe. Avec DSDL, nous cherchons à résoudre le problème différemment, chaque éditeur a en charge une partie différente. Ainsi, on retrouve dans DSDL la validation de structure de Relax NG, ou les règles de Schematron...

Voyez-vous une différence entre les modes de fonctionnement de l'ISO et du W3C ?
Je ne suis les activités du W3C que de l'extérieur, par le biais de mon site XMLfr. Mais il semble que la taille de certains groupes de l'ISO est beaucoup plus restreinte : XML Schema occupe plus de 40 personnes, là où nous ne sommes que 10 pour DSDL. L'impression rigide de l'ISO et conviviale du W3C dépend en fait du groupe de travail. Le W3C est devenu assez lourd avec les années - surtout si l'on considère qu'il a été créé pour pallier les lenteurs de l'ISO -, et on y trouve malheureusement de nombreuses situations où les membres d'un groupe émettent une objection sur une spécification afin de justifier leur salaire auprès de leur employeur, ralentissant d'autant le processus.

DSDL a la chance, pour ainsi dire, de ne pas attirer les grands acteurs, mais avant tout des individus extrêmement brillants, indépendants, et intéressés uniquement par les côtés techniques. Notez que l'ISO peut tout autant que le W3C être ralentie par le nombre de participants ou les intérêts de chacun.

Techniquement, le Web 2.0 est plus qu'une mode"
Vous participez à de nombreux projets, notamment Open Source, tournant autour de XML et XSLT, aujourd'hui largement acceptés par la profession. Où se trouvent selon vous les limites de XML dans un cadre industriel ?
On trouvera toujours, dans chaque domaine vertical d'application, une alternative plus efficace à XML. Celui-ci peut se révéler moins pratique que des langages spécialisés. Il n'est pas forcément le plus adapté aux échanges EDI (ndlr : Échange de Données Informatisées), par exemple, car ils sont très verbeux, surtout dans le cas de gros volumes. Là où XML est unique, c'est qu'il permet de fédérer tout cela. Quoi qu'il en soit, il y a eu et il y aura toujours des réticences à XML.

Vous participez à l'écriture d'un livre en anglais sur la programmation pour le Web 2.0. En dehors du débat sur cette appellation, voyez-vous le navigateur prendre le pas sur les applications desktop à terme ?
Bien sûr. Techniquement, le Web 2.0 est plus qu'une mode. Le Web 2.0 regroupe trois définitions qu'on a tendance à opposer : l'aspect social, pour redonner la parole à l'utilisateur, lui laisser créer le contenu, dans un format suffisamment simple que tout le monde puisse le modifier ; la vision "le réseau est la plate-forme", qui est une conséquence de l'aspect social, au sens américain du terme ; et l'utilisation d'Ajax, qui n'est intéressante que si elle permet cet aspect social. Ajax doit avant tout améliorer l'ergonomie pour l'utilisateur, sans quoi son intérêt est moindre.

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Mais pour revenir aux débats XHTML 2 / HTML 5, et XForms / WebForms, derrière ceux-ci se pose la question de la manière dont on va développer les applications de demain, le débat entre méthode déclarative et méthode procédurale.

XForms, par exemple, utilise la méthode déclarative, où l'on décrit ce qu'on souhaite obtenir plutôt que de décrire directement la manière de l'obtenir. Cette méthode n'étant pas intégrée ou acceptée par les développeurs, elle est fréquemment rejetée. Les frameworks comme Ruby on Rails qui tentent de maintenir une approche programmative procédurale sur le développement Web font donc partie d'un nouvel épisode de ce débat entre déclaratif et procédural. La déclarative est selon moi plus efficace, mais les développeurs qui la maîtrisent sont rares.

 
Propos recueillis par Xavier Borderie, JDN Développeurs

PARCOURS
 
 
Eric van der Vlist, est formateur et consultant indépendant.

1999 Fondateur de Dyomedea

1993 Gestionnaire des équipes techniques de Sybase France.

Et aussi fondateur du site XMLfr.org, co-auteur de RSS 1.0, membre du groupe de travail ISO/DSDL, auteur de livres sur XML Schema, Relax NG et le Web 2.0.